Maxime Rouyer : de Troyes à Edmonton…

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Le linebacker professionnel de la Edmonton Football Team a répondu à nos questions en direct de Montréal, où il prépare la saison à venir.

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The Free Agent : Afin d’introduire cet entretien, j’aimerais que tu nous racontes un peu ton parcours dans le sport de manière générale…

Maxime Rouyer : J’ai commencé à jouer au soccer pendant environ douze ans, j’étais vraiment passionné par ça, et j’ai grandi avec ce sport. Ensuite, mes parents m’ont un peu poussé à faire du judo, car mes petits frères en faisaient déjà, et mes parents voulaient me faire découvrir un autre sport que le foot. J’ai donc fait quelques années dans un club de judo, mais à mon arrivée au lycée, les horaires ne me permettaient pas de continuer.

Ma « carrière » de judoka s’est donc arrêtée prématurément à cause de l’école. Au lycée, on était un groupe de potes, on s’entendait vraiment bien, et on a décidé de s’inscrire tous au club de football américain de notre ville. On s’amusait, bien que les résultats ne suivaient pas, mais l’essentielle était que l’on adorait jouer et que l’on allait aux entrainements par pur amour pour le sport. Je n’ai jamais vraiment eu à l’esprit de faire carrière, je jouais seulement pour m’amuser, pour être avec ma bande de potes et juste kiffer. Ça me permettait de sortir faire des rencontres, profiter de ma jeunesse et découvrir le monde extérieur, parce que quand tu es issu d’une famille à trois enfants, tu n’as pas forcément les moyens pour faire des sorties…

Je me souviens encore d’un voyage jusqu’en Bretagne pour jouer un match de playoffs, c’était pour moi une expérience déjà dingue. Puis quelques années plus tard, les Pygargues de Troyes, ont eu l’opportunité de faire venir un coach québécois pour superviser toutes les équipes du club, des cadets aux séniors. J’ai passé une excellente saisons sous ses ordres, il m’a beaucoup appris et c’est notamment grâce à lui que je suis parti au Canada. Il m’a dit que je pouvais et que j’étais capable d’aller jouer là-bas, j’en ai donc parlé à mes parents. Ils ont tout de suite soutenu mon projet, et ils m’ont fait comprendre que si j’avais cette opportunité alors il fallait que je la saisisse. Ce coach m’a aidé pour toutes les procédures administratives, et me voilà en août 2013 dans l’avion pour Québec. Tout est allé super vite et je n’ai même pas eu le temps de réfléchir à ce qu’il se passait. 

Arrivé sur place, je n’ai eu aucune appréhension, j’étais plus excité qu’anxieux. Tout s’est absolument bien passé y compris mon intégration. Ce qui est incroyable quand tu pars à l’étranger pour le sport, c’est qu’au bout de quelques jours tu as une famille de 70 joueurs qui sont là pour toi. On forme une vraie famille. Ça m’a donc retiré une certaine crainte parce que j’étais en contact avec des personnes qui connaissent la société et la façon dont cela fonctionne ici.

Côté sportif, c’était la première fois que je touchais à un niveau sérieux de football et tout était mieux qu’en France. Les phytothérapeutes, les vestiaires, tout était mieux que ce que j’avais connu jusqu’ici. Dès mon premier match, je me rends compte que je suis capable de m’en sortir à ce niveau-là, donc tout va pour le mieux… Jusqu’à mon deuxième match, lors duquel je me blesse pour le reste de la saison, à la clavicule. À ce moment-là tout s’arrête, et ce pour quoi je suis venu n’existe plus… Mais pour moi il fallait que je garde ça secret envers ma famille, afin qu’ils ne s’inquiètent pas et qu’il ne me demandent pas de revenir. Donc lorsque je les appelais, j’enlevais mon attèle et j’essayais de couper court, quand la discussion venait sur le sujet du football. Pour ma deuxième saison, tout se passe parfaitement, pas de grosse blessure et je finis meilleur plaqueur de la division avec les trois autres linebackers titulaires…

Je prépare ensuite ma troisième et dernière saison au Cégep, j’attendais beaucoup de cette dernière saison, mais à cause d’un problème d’éligibilité, je n’ai pas pu jouer. Pour moi l’aventure allait s’arrêter là, et j’allais rentrer en France et poursuivre mes études supérieures… Mais un de mes potes, me dit de faire un highlight et d’envoyer ça aux coachs des équipes universitaires et d’attendre des réponses… Finalement, Sherbrooke et McGill me donnent une réponse positive. Mon choix a été McGill, d’abord parce que mon programme d’études était disponible et aussi parce que c’est une école anglophone… C’était une occasion parfaite pour apprendre l’anglais, j’ai donc attéri à l’Université de McGill. Tout se passe bien jusqu’à ce que je me blesse une nouvelle fois… Rupture des ligaments croisés, et du ménisque. Une grosse blessure, qui selon les médecins me condamnait à ne plus jamais retrouver le niveau que j’avais et même à un arrêt définitif du sport. Mais dans ma tête je pensais différemment, pour moi j’allais revenir et ce n’était pas qu’une option. J’ai pris mon mal en patience et j’ai entamé le processus de réhabilitation, avant de faire mon retour quelques mois après. 

À la fin de mon cursus universitaire, j’ai appris que la Global Draft allait surement se mettre en place. C’était une occasion rêvée pour moi et j’ai continué de me préparer. Je pars donc aux combine avec d’autres joueurs européens. Pour l’anecdote, je me retrouve face-à-face avec Asnnel Robo durant les oppositions attaquants-défenseurs. En fin de comptes, je suis sélectionné par d’Edmonton. Je reçois le coup de téléphone du coach qui d’abord me félicite et qui me dit qu’il a hâte de me rencontrer. Puis du GM, qui va aborder les aspects business et de mon contrat…

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T.F.A : On voit que tu joues essentiellement en spécial teams, j’aimerais que tu nous parles un peu de l’importance de cette escouade dans une équipe de football.

M.R : Il faut savoir que le football canadien est joué sur trois essais au lieu de quatre pour la NFL par exemple. Ça veut dire que tu n’as dans le fond que, deux essais pour parcourir les 10 yards pour le first down, puis le dernier ce sont les unités spéciales. En gros pour poursuivre ta série offensive, tu as besoin de faire environ 5 yards de moyenne pour aller chercher la première tentative, contre seulement 3.3 yards en NFL. Tout s’enchaine très rapidement, donc on ne peut pas négliger cet aspect du jeu. 

Quand tu entres dans la ligue, ton premier rôle sera d’être sur équipes spéciales. Il y a des vétérans à ta position, qui ont plus d’expérience et une notoriété dans le vestiaires ce qui fait que tu ne peux pas prendre le place facilement. Et c’est sur les équipes spéciales que tu vas devoir commencer à te faire une place si tu veux occuper ton véritable poste. Dans le football canadien, un bon jeu d’équipe spéciale est tout aussi reconnu qu’un jeu en attaque ou en défense, bien plus qu’en NFL. Le seul truc qui change avec les unités spéciales, c’est que tu n’es pas dans la lumière comme peuvent l’être les joueurs d’attaque et défense. Mais tu as la reconnaissance des coaches et du vestiaire qui fait énormément plaisir, je me souviens avoir remporter le prix de joueur d’équipe spéciale de la semaine et j’étais ultra heureux. C’est là que j’ai commencé à gagner l’estime de mes coéquipiers, qui eux attendaient que je fasse mes preuves.

T.F.A : Selon toi, qu’est-ce qu’il te manque pour pouvoir prendre davantage de temps de jeu en défense ?

M.R : Premièrement, il y a de l’expérience que j’ai encore besoin d’acquérir. Ce n’est pas une lacune mais c’est simplement mathématique, quand mes coéquipiers jouent depuis qu’ils ont six ans, en comparaison je n’ai commencé que depuis huit ans. Il faut que j’en fasse plus qu’eux pour pouvoir combler ce retard : davantage de vidéos, un approfondissement des stratégies avec les coaches, un gros travail d’analyse.

Le plan physique est le plus important pour n’importe quel joueur, et c’est cette capacité à être disponible et prêt physiquement en évitant les blessures. Parce que oui, c’est bien de courir vite, sauter haut etc, mais si tu n’es pas capable d’enchainer les matchs, ta place est en danger. Un joueur blessé n’est pas utile dans un effectif. Si tu es dans la moyenne de poids, taille et vitesse à ta position, mais que tu arrives à rester en forme, tu as déjà une avance par rapport aux autres. Il faut être prêt constamment parce que tu ne sais jamais quand ta chance et ton opportunité viendra et il faut répondre présent pour ne pas laisser ta place à un autre.

T.F.A : Quels sont les objectifs à court et moyen terme que tu t’es fixé ? 

M.R : Dans l’immédiat, ce serait de re-signer à Edmonton, j’ai passé des bons moments et puis j’ai un bon coaching staff donc j’ai pas vraiment envie de changer ça. Mais il s’agit de business, de la négociation avec le Général Manager. Après, à plus long terme, pour la saison qui vient, mes objectifs seront de toujours bien performer en équipes spéciales, et de rentrer dans la rotation des linebackers. Ce n’est pas une tâche simple quand dans la hiérarchie tu es derrière un gars qui a déjà fait cinq ans en NFL puis trois en CFL. Mais avant tout, c’est de kiffer, c’est le plus important parce que c’est ton travail, c’est de la pression, il y a de l’argent qui entre en jeu donc il faut kiffer ce que tu fais pour rester sain dans la tête.

T.F.A : Tu es entouré de vétérans dans le vestiaire d’Edmonton, j’aimerais que tu nous parles de l’importance de ces gars expérimentés dans un vestiaire.

M.R : Les vétérans sont forcément importants dans le sens où, tout ce que tu es en train de vivre, ils l’ont déjà vécus. Les petits moments de doutes, etc. Donc tu peux aller les voir et leur demander. Si tu tombes sur des bonnes personnes, ils te tendront toujours la main, ils prendront une fierté à aider les plus jeunes.

T.F.A : Tu as des vétérans qui t’ont pris sous leur aile à ton arrivé dans le vestiaire ?

M.R : Il y a eu une recrue à Edmonton qui est arrivée en même temps que moi, Vontae Diggs, c’est un joueur qui a déjà joué en NFL. Cela a été comme quand tu commences l’école avec quelqu’un, on était dans la même situation et à la même position. Il y a eu aussi, Christophe Mulumba, qui vient de Montréal et qui est donc francophone. Lui était déjà là depuis trois ans, mais on avait déjà discuté ensemble après que je sois drafté, pour savoir comment cela se passait sur place, à Edmonton. Il joue linebacker, et il m’a beaucoup appri, je suis extrêmement reconnaissant d’avoir rencontré un gars comme lui à mon arrivée.

T.F.A : Quel regard portes-tu sur cette saison NFL, quelles équipes t’impressionnent ou te déçoivent ?

M.R : L’équipe qui m’impressionne le plus, je dirais les Browns. Dans le fond, ils n’ont pas changé énormément leur effectif par rapport à la saison passée, mais ils ont réussi à élever leur niveau de jeu. Je suis vraiment impressionné. Après ça, l’équipe qui me déçoit le plus, je dirais les Patriots. Et c’est le supporter qui parle là. C’est vraiment pas beau à voir jouer, ce n’est pas le football de notre époque, et ce n’est pas ce à quoi on était habitué avec Tom Brady.

T.F.A : Quel est ton plus beau souvenir de la NFL ? 

M.R : Je dirais l’interception en goal line de Malcom Butler au Super Bowl face aux Seahawks, alors qu’ils auraient pu courir avec Marshawn Lynch, ça n’a pas de prix ! 

T.F.A : Si demain tu étais Free Agent, quelle serait ta signature de rêve ?

M.R : Je suis au Canada depuis sept ans maintenant, donc sept ans dans le froid… Donc si je pouvais signer ailleurs, je dirais les Miami Dolphins, être au soleil et profiter de la vie. Ça pourrait être Miami ou n’importe quelle autres équipe du sud des États-Unis.

T.F.A : On arrive à la dernière partie de notre entretien, je vais te laisser carte blanche, tu peux passer le message que tu souhaites. 

M.R : Et bien déjà merci à toi, c’était vraiment cool. Ce que je tenais à dire, c’est qu’il y a vraiment des bons joueurs de football en France, c’est indéniable. Mais, j’aimerais souligner l’importance de l’école et des études. Ça fait partie des choses que les recruteurs vont regarder, que tu veuilles aller jouer au Cégep ou en Université. Être bon au football c’est un avantage certes, mais être bon à l’école est aussi un avantage. Un joueur bon à l’école va assimiler plus rapidement ce qu’on lui demandera et apprendra beaucoup plus facilement. Pour n’importe quel jeune, concentrez-vous autant sur l’école que sur le sport. Une personne qui sera aussi à l’aise avec les cours que sur le terrain aura cette étiquette de recrue parfaite. Même si c’est compliqué d’être toujours motivé dans les deux domaines qui sont le sport et les études, il faut transformer cette « perte de temps » en un investissement pour plus tard.

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