Opinion : Zlatan Ibrahimovic ne peut pas comprendre LeBron James

Récemment, l’attaquant de l’AC Milan, Zlatan Ibrahimovic s’est exprimé en opposition à la prise de position politique de LeBron James. Ce dernier a mis en avant que les sportifs devaient faire ce qu’ils savent faire c’est à dire être des sportifs et qu’il fallait laisser aux politiciens l’occasion de faire leur travail. LeBron James n’a pas manqué de répondre à Zlatan Ibrahimovic mais cet échange relance l’éternel débat entre le sport et la politique. LeBron James aura beau expliquer à Zlatan Ibrahimovic son action et sa démarche derrière sa prise de position, ce dernier ne pourra jamais le comprendre. Les deux hommes ne pourront jamais être sur la même longueur d’onde.

Un contexte différent : la lutte sociale dans le sport américain

LeBron James s’inscrit dans une lignée bien à part. Celle du sport américain. En effet, les sportifs américains prennent part au débat politique et font partie intégrante de la société. Il n’a y a pas la séparation que l’on peut connaître en Europe entre le sport et la politique. Les exemples ne manquent pas de sportifs qui ont pris position politiquement lorsque leur pays en avait besoin. On peut penser à Mohamed Ali et son opposition à la Guerre du Vietnam.

Même si l’a été pointé du doigt comme un paria notamment durant l’administration Trump, Colin Kaepernick figure aujourd’hui comme la voix de la lutte pour la justice sociale. C’est lui qui avant tout le monde avait alerté sur ce problème de racisme et de préjudice social qui frappait les minorités raciales, ce problème qui grondait avant que cela n’explose cette année avec le mouvement Black Lives Matter. Mais Colin Kaepernick n’a pas hésité à sacrifier sa carrière pour une cause plus grande. Il n’a pas hésité à prendre la parole et occuper l’espace médiatique grâce à sa notoriété liée au sport.

En NBA, on ne peut que penser à la légende des Celtics Bill Russell. Ce dernier alors qu’il était avec ses coéquipiers à Lexington dans le Kentucky pour disputer un match d’exhibition s’est vu refuser le service dans un restaurant. La ségrégation faisait rage dans les années 1960 et le sud des Etats-Unis était le théâtre d’un racisme étouffant. En réponse à cela Bill Russell a été le leader d’un boycott du match avec les Celtics. Il s’agissait à l’époque d’un grand pas courageux. En effet, l’intégration des afro-américains se faisait dans la souffrance, il fallait pour eux accepter de subir ces discriminations, sans se plaindre pour se frayer un chemin. On peut penser par exemple au combat acharné de Jackie Robinson en MLB pour être accepté dans les ligues majeures. Un combat long et difficile.

Mais ce jour-là c’était trop pour Bill Russell. Il n’allait certainement pas tourner l’autre joue, pas encore. Cela fut un tournant dans le cadre de la lutte des sportifs pour les droits civiques et de leur place dans la société. Bill Russell a pris la parole dans le cadre de réunions de la NAACP, la National Association for the Advancement of Colored People. Plus tard on peut également penser aux poings levés dans le ciel de Mexico en 1968 de Tommie Smith et John Carlos. Le poing levé représentait le Black Power, le signe distinctif des Black Panthers. Mais plus qu’une organisation en particulier il représentait un combat, celui pour les Droits Civiques. Mais aussi une attitude, celle de ne pas baisser la tête et de combattre.

On peut également penser à Bill Walton, futur pivot des Blazers en NBA qui s’est fait arrêter dans le cadre de manifestations contre la guerre du Vietnam lorsqu’il était à l’université de UCLA. La liste de désemplit pas et si l’on fait un bond de 20 ans, le nom de Craig Hodges est à mentionner. Ce dernier avait exprimé son opposition à l’opération Desert Storm menée par l’administration Bush et son inquiétude à propos du racisme dans une lettre lorsque les Bulls de Chicago alors champions NBA sont allés à la Maison-Blanche.

Tout récemment on peut également penser à l’engagement de la joueuse de l’équipe de Soccer des Etats-Unis, Megan Rapinoe qui n’a jamais cessé de prendre la parole pour parler des droits de la communauté LGBT et des minorités. Rapinoe est une véritable icône moderne du sport et s’inscrit elle aussi, comme LeBron James dans le cadre de cette lutte sociale.

Ce cadre là n’est pas celui de Zlatan Ibrahimovic et du football en Europe. Le silence est encore largement de mise face aux actes racistes, notamment en Italie où il a passé une grande partie de sa carrière. La prise de parole politique n’est pas monnaie courante et la séparation est claire. C’est une chose que de border un bandeau noir pour protester pendant un match et ça en est une autre de refuser de disputer ce match. Ce sont deux façons de faire.

Un avis dépassé : l’époque de Shut up and dribble est révolue place au Speak Up and dribble 

La journaliste américaine Laura Ingraham, notamment journaliste chez Fox News avait lancé à LeBron James en 2018 cette fameuse phrase Shut up and dribble. Tout ceci s’inscrivait dans le cadre politique et social d’une administration Trump qui avait pointé du doigt la prise de position des sportifs pour lutter contre les discriminations faites aux minorités. Colin Kaepernick s’était fait d’ailleurs traiter par le Président Trump d’une insulte que nous ne répéterons pas dans cet article tant elle est brutale mais également irrespectueuse vis à vis des femmes.

Cependant, l’Amérique est entrée dans une nouvelle ère de prise de conscience. Les récents événements à Minneapolis autour de l’assassinat par un policier de George Floyd mais aussi ceux du Capitole ont sonné l’alarme d’une société qui n’en peut plus. Ce déchirement n’est plus le sujet actuel. Et dans le cadre de l’administration Biden qui a pour objectif d’unifier la nation et de donner une voix à ceux qui n’en ont pas eu les mots de Zlatan Ibrahimovic n’ont plus aucune raisonnance.

Il n’est plus question d’ignorer ces maux de la société en faisant preuve d’agressivité contre ceux qui les mettent en exergue. Il est temps de Speak up. De prendre la parole, de donner son ressenti et son expérience. Les Etats-Unis ont besoin de figures sportives pour unifier la société. LeBron James est tout à fait conscient de son impact. Il est le joueur de basketball en activité le plus populaire des Etats-Unis, sa carrière parle pour elle-même.

Même Michael Jordan qui avait été relativement silencieux au cours de sa carrière, et c’est son droit, au sujet de la justice sociale a décidé de briser son silence. Les Etats-Unis ne pourront pas être unifiés et redevenir une société soudée s’ils continuent de fermer les yeux devant les problèmes de justice sociale et de racisme systémique. C’est en tout cas ce que ne souhaite pas faire Joe Biden et c’est une rupture claire par rapport à son prédécesseur. Alors plus que jamais, Zlatan Ibrahimovic se trompe de ton, il se trompe de temps.

Un avis si important que cela ?

Enfin, LeBron James a tout intérêt à ne pas porter trop d’attention à ce message de Zlatan Ibrahimovic. Les deux hommes ne peuvent pas se comprendre. Ils ont des buts différents. LeBron James souhaite utiliser sa notoriété pour améliorer la vie des autres et ce combat est trop important pour être dilué par l’avis d’un joueur de football qui ne s’inscrit pas dans un contexte similaire.

LeBron James a une occasion de faire changer les choses et si ce n’est pas le cas de réveiller les consciences mais aussi de fédérer autour de cette cause. LeBron James continuera d’oeuvrer pour la justice sociale. Il continuera de travailler dans le cadre de son oeuvre caritative. Car comme il l’a dit il se doit de le faire pour les enfants de son école, la I promise School ouverte à Akron en Ohio, là où il est né. Il se doit de le faire, car sans son action et celle de nombreux autres sportifs comme Patrick Mahomes, combien de votes auraient été supprimés lors de la dernière élection ?

LeBron continuera à faire son possible pour sa communauté et pour son pays. L’avis de Zlatan Ibrahimovic n’a pas beaucoup d’importance là-dedans. On sait bien que c’est un joueur qui aime la polémique, mais sur ce sujet il n’y a pas de place pour la polémique. Il faut agir et il faut se battre pour faire avancer la société vers le meilleur.