Incidents à répétition durant les matchs de NBA : anecdotique ou mal profond ?

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Ces derniers jours durant cinq matchs, dans cinq villes différentes, on a assisté à des incidents plus ou moins graves. Pris séparément, ils pourraient être des actes isolés, sans liens et avec des causes bien différentes. Pour autant, il est intéressant de se pencher un peu plus sur les circonstances et ce que cela nous dit de l’époque.   

Un contexte particulier 

Les fans sont de retour dans les salles après plus d’un an sans avoir pu assister à des matchs et ces incidents surviennent à mesure que le nombre de spectateurs augmente. Nous sommes dans la deuxième année de la crise de la Covid-19. Les Etats-Unis sont en avance dans la campagne de vaccination. Tant est si bien, qu’ils ont autorisé un retour progressif (avec jauges) des fans dans les salles durant la fin de la saison régulière. Le nombre de spectateurs varie d’un état à l’autre et d’un match à l’autre. L’impatience est grande chez les fans et les playoffs proposent des affiches alléchantes.  

Le prix des places diffère d’une équipe à l’autre. Il fluctue de 50 dollars à Brooklyn jusqu’à plus de 200 au Madison Square Garden de Manhattan pour les places les moins chères. Le retour sur le devant de la scène des Knicks de New York ainsi que la présence des deux équipes de Los Angeles représentent les deux plus gros marchés en terme de nombre de fans. Le pouvoir d’achat est important selon les économistes et les recettes de matchs augmentent. Cette année, il y a un mélange, d’un coté, entre les salles avec un public exclusivement de supporters d’équipes locales, qu’on pourrait comparer à de petits marchés économiques mais à forte identité (PortlandUtahMilwaukee ou Phoenix). Elles ont une réelle passion pour la NBA. Et de l’autre, les plus grandes villes du pays à forte notoriété étant pourvues d’un public de consommateurs de shows sportifs (New York, Los Angeles ou encore Miami). Elles possèdent au moins une équipe de chaque sport. On les désigne comme des gros marchés. 

Le contexte est donc propice à un changement de type de spectateurs.

Une autre manière d’appréhender le sport

Aux Etats-Unis, la manière de voir les matchs est très différente de l’Europe. La plupart du temps, les spectateurs viennent voir les matchs de NBA en famille ou entre amis autant pour le match que pour ses à-côtés. On peut huer les adversaires, faire du bruit sur les lancers francs, mais dans l’ensemble cela fait partie du show. L’ambiance même quand elle est qualifiée d’électrique reste courtoise, bon enfants, familiale et surtout sans débordements comparables à ceux connus en Europe par exemple. Le but est plus d’encourager son équipe que de montrer la moindre once d’agressivité à l’encontre des personnes. Le tout est orchestré et orienté par les équipes elles-mêmes au travers de différentes ambiances. 

Certains pourraient parler d’encouragements artificiels tant les notions de fan et de consommateurs de spectacle sont proches. Contrairement à ce qui se passe en Europe, les spectateurs viennent assister à un show sportif pour consommer du sport et non pour applaudir des athlètes tel des gladiateurs comme en Europe. Ce point de vue peut être considéré comme réducteur. Pour autant, un autre exemple est l’absence de Kops, de hooligans, de notion de haine ou de défouloir que représente l’occasion d’assister à un événement sportif. Le panier moyen du match, billets, maillot, nourriture et autres dépense le jour du match, est nettement supérieur aux USA par rapport à l’Europe. Il ne s’agit pas ici d’opposer les deux continents, mais bien d’appréhender et définir sommairement le comportement habituel des fans des deux côtés de l’Atlantique.

Ces bases posées, il est alors plus facile de comprendre le choc que représentent les incidents survenus ces jours-ci. Comment ne pas comprendre dès lors, que les actes de certains, jet de projectiles, insultes et autres intrusions sur le terrain, déjà choquantes pour nous, soient considérés avec une grande perplexité et incompréhension aux Etats Unis. Il est vrai que la sidération passée, la réponse à de tels débordements est rapide et implacable. Il en va du business model et de l’image de la marque NBA. Toutes les parties prenantes ne peuvent se permettre une répétition et le début d’un effet de mode et de surenchère de ce phénomène.

À partir de ce contexte et de la compréhension du point de vue américain, on peut se risquer à analyser et comprendre les faits, sans les excuser. 

Des faits graves, symptôme d’un changement d’une minorité de fans.

Le dernier incident à Washington cette nuit et le sourire affiché par l’intrus après sa capture sur le terrain dénote un acte prémédité et non revendicatif mais simplement le fait d’une personne à la recherche d’une pseudo notoriété. Les débordements graves sont injustifiables et sont sanctionnés par les propriétaires de bannissements à vie et des poursuites judiciaires. Les salles sont des lieux privés, gérés par entités privées qui de ce fait imposent leurs règles. Les incidents sont choquants, car les consommateurs paient certes leur place, mais ils ont également des règles à respecter. 

La bêtise et l’inconscience des auteurs des actes sont des raisons possibles, mais elles peuvent être trop facile pour expliquer la situation actuelle. Au risque de se tromper, d’autres causes et mécanismes semblent en jeu. Le contexte génère des émotions fortes. L’impatience, le dépit et la frustration semblent entrer en jeu dans la manière de concevoir les actions. L’émotion de base est simplement la colère. Elle est à l’encontre de la ligue et des joueurs. Il peut s’agir d’une envie d’exprimer ses émotions les plus primaires, de se laisser aller à exprimer le mal-être, à l’image de ce qui peut se passer en Europe dans d’autres sports. Le but est dès lors d’exprimer des émotions et non de consommer du sport. Il y a donc une évolution d’une minorité de spectateurs vers une vision plus primaire du basket à l’image de ce qui peut se passer au football américain ou en Nascar.

Cette vision est marquée par une agressivité et une défiance vis-à-vis de l’autorité que représente la NBA. Ce phénomène a été observé du temps des Bad Boys de Detroit à la fin des années 80 et dans d’autres villes de façon sporadique et dans des contextes différents d’aujourd’hui. Ce qui surprend ici, c’est la répétition, la fréquence et la pluralité des lieux touchés par ces incidents. Il y a donc un phénomène sans précédant qui semble apparaître. La NBA, les propriétaires et les joueurs bien conscients du problème réagissent.

Les acteurs réagissent rapidement face à un danger pour toute la ligue

La première réaction est celle des propriétaires. Bien conscients de l’impact pour le futur, ils décident de bannir les auteurs et de les confier à la justice. Les joueurs tirent le signal d’alerte et font pression sur les instances. La Ligue essaye de coordonner et de proposer une réponse globale pour tuer dans l’œuf ce problème. Le but est ici de décourager sans tarder et efficacement toute tentative de surenchère et d’imitation. Pour cela, ils sévissent vite, dans les heures qui suivent les actes, et fort avec des mesures radicales. 

On peut tirer des leçons hâtivement dans ce contexte particulier. Les actes sont spectaculaires et dangereux pour tout les acteurs de la ligue. La réponse est éclaire. Les jours prochains vont permettre de voir si ces actes perdurent ou s’ils disparaissent.

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