La MLB et les grèves : une histoire qui ne date pas d’hier

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Le monde de la petite balle est à l’arrêt, et la crainte que la saison ne puisse pas reprendre est présent dans toutes les têtes des fans de baseball. Cependant, si l’on en croit l’histoire de la ligue, ce n’est pas la première fois que la MLB a affaire à une grève des joueurs, menaçant ainsi le bon déroulé de sa saison. Nous allons donc voire ensemble les neuf dates clés dans l’histoire des grèves en MLB.

1972 : La révolte est en marche

L’année 1972 a marqué le début de la prise de pouvoir total de l’association des joueurs (MLBPA) par ces derniers. Cet événement fait suite aux différentes réunions tenues durant le « Spring training », et qui a vu les propriétaires mettre leurs vétos sur la demande des joueurs de voir leurs revenus augmenter. Les joueurs n’ont alors pas compris ce refus, eux qui estimaient avoir demander une augmentation risible par rapport aux bénéfices engrangés par les propriétaires.

John Gahering, le négociateur en chef de l’époque, déclarait alors que les propriétaires « ne prenaient pas aux sérieux la demande des joueurs » et que selon eux ils n’avaient pas à y prêter plus d’attention que cela étant donné que les joueurs n’étaient pas considérés comme des travailleurs syndicaux. Cela n’a pas empêché les joueurs d’organiser un vote pour déclencher une grève. Le résultat du vote est sans appel, 663 joueurs ont voté pour et seulement 10 s’y sont opposés.

Les propriétaires ont ignoré ce vote et le directeur exécutif du syndicat des joueurs, Marvin Miller ne pensait pas que les joueurs iraient jusqu’à déposer une demande de grève comme il nous l’explique.

« La dernière chose à laquelle je m’attendais en 1972 était bien cette grève. »

Marvin Miller

Après que la demande de grève ait été déposée, Marvin Miller est venu à la rencontre des propriétaires le 29 mars pour qu’un intermédiaire, impartial, vienne régler le différents entre eux et les joueurs. A la veille d’une réunion importante à Dallas le 31 mars, où les joueurs devaient décider si oui ou non ils accepteraient de passer à l’acte (pour la grève), un évènement va alors perturber les plans de l’association des joueurs. Marvin Miller s’est entretenu au téléphone avec un certain Dick Moss, un avocat, afin de parler de la possibilité d’une grève des joueurs, ce qui serait une première dans l’histoire de la ligue. Les Joueurs n’ayant pas été payé la saison d’avant, ils ont alors estimé que ces derniers n’auraient pas les fonds nécessaires pour supporter le poids d’un arrêt temporaire de la saison.

Selon Marvin Miller, les propriétaires étaient confiants quant à la suite que donnerait cette grève.

« Les propriétaires avaient décidé de mettre fin aux progrès de l’association des joueurs en provoquant une grève, qu’ils étaient certains de gagner, ou en forçant les joueurs à revenir sur leur décision de demander une augmentation. »

Marvin Miller

Toutefois, le syndicat des joueurs a refusé de reporter leur menace de grève, s’estimant prêt à se battre jusqu’au bout malgré l’opinion des propriétaires sur leurs capacités à tenir une grève sans avoir les fonds. Les stars de l’époque Reggie Jackson et Chuck Dobson ont alors été les fers de lance de ce bras de fer. Au cours d’un vol reliant Phoenix à Dallas, les deux joueurs se sont assis derrière Miller et sa femme et lui donc fait comprendre que les joueurs resteraient sur leur position.

C’est donc le 31 mars que les joueurs ont décidé de prendre la plume pour écrire à Miller afin d’officialiser la mise en place de la grève.

« Nous ne permettrons pas aux propriétaires de violer notre syndicat. Par conséquent, à partir de la date du 31 mars, l’association des joueurs de la ligue majeure est en grève. »

Extrait de la lettre des joueurs

Au terme d’un vote parmi 47 joueurs, aucun ne s’est alors opposé au mouvement.

La grève prendra fin le 13 avril après que les propriétaires aient cédé aux demandes des joueurs, d’améliorer les régimes de retraite des joueurs. Pour réaliser cette demande, une somme de 800 000 dollars a été utilisé parmi les bénéfices réalisés par la ligue.

Au terme de cette grève, la saison fut bien touchée avec pas moins de 86 matchs annulés. Aucune n’a alors joué plus de 156 matchs, les Astros et les Padres eux n’ont joué que 153 rencontres.

1973 : On prend les mêmes et on recommence

Après la révolution de 1972, Marvin Miller et les propriétaires ont été surpris de voir les joueurs repartir vers un mouvement de grève. Cette fois-ci les joueurs ont demandé qu’un arbitrage salarial soit mis en place, afin que les joueurs soient sûrs de ce qu’ils toucheraient comme revenus à la fin des saisons, ce qu’in n’était pas le cas jusqu’à maintenant. Les équipes doivent avoir une idée précise de la masse salariales prévue afin que les joueurs puissent y voir plus clair quand vient le moment d’être payé.

Cette fois-ci le bras de fer n’aura pas duré vraiment longtemps et n’aura représenté aucune menace sur le bon déroulé de la saison. En effet aucun match n’a été annulé, les propriétaires s’étaient mis d’accord avec le syndicat des joueurs pour que les joueurs, ayant déjà joué pendant deux saisons d’affilés dans la ligue majeure, puissent avoir le droit à cet arbitrage salarial.

Seule la préparation des lanceurs et des receveurs, durant le « Spring training » aura été impacté. On a alors échappé aux pires et les dirigeants de la MLB peuvent respirer.

1976 et 1980 : Légers contentieux

Il aura fallu attendre trois années avant de voir de nouveau les joueurs partir en grève pour faire valoir leurs droits. Marvin Miller et les joueurs se sont de nouveaux ligués contre les propriétaires, relevant une faille dans les clauses des joueurs dans leurs contrats. C’est alors que les joueurs pourront obtenir le droit de devenir agent libre à la fin de contrat. Les deux premiers joueurs à se retrouver dans cette situation seront les lanceurs Andy Messersmith et Dave McNally.

Ce combat avait déjà commencé quatre ans plus tôt. En 1976, les propriétaires décident alors de placer leurs joueurs en grève, seulement une cour d’appel fédérale a statué en faveur des joueurs et les dirigeants ont été obligé de le laisser reprendre leur préparation au « Spring training ». Aucun match n’aura été impacté et la saison a donc pu se dérouler entièrement.

En 1980, les négociations entre l’association des joueurs et la ligue concernant les conventions collectives a mené à une légère grève, qui privera les joueurs du début du camps d’entrainement printanier.

Tout comme en 1976, cette grève n’aura pas entaché la saison, qui se déroula sans problème, l’associations des joueurs et la ligue trouvant rapidement un point d’entente.

1981 : Première grève de grande ampleur

La question des contreparties que pouvaient recevoir les franchises après la perte d’un agent libre va sonner le glas d’une grève sans précédent dans la fraiche histoire des « lockouts » en MLB. En effet, les propriétaires furieux de ne plus avoir la main mise sur les joueurs en fin de contrat, vont alors demander que les équipes qui perdent un joueur agent libre soient rémunérées avec des joueurs de la formation qui recevra ce joueur libre, ou alors des tours de repêchage. Le syndicat des joueurs va voir cette demande comme étant un frein inacceptable sur le marché des transferts.

La conséquence de ce nouveau bras de fer entre les joueurs et les propriétaires sera une grève. Cette fois-ci, comme en 1972 les négociations vont durer longtemps et pas moins de 713 matchs de la saison seront annulés.

Et si la grève de 1976 n’avait été que les prémices de ce mouvement de grande ampleur qui va ternir l’image de la MLB ! C’est en tout cas, la décision d’offrir la possibilité aux joueurs en fin de contrat qui va entrainer ce différend. Entre 1978 et 1980, les propriétaires vont offrir des contrats à plus d’un million de dollars (une somme dérisoire de nos jours, mais qui s’avéra énorme à cet époque) dû au problème d’arbitrage salarial évoqué plus haut. En effet les joueurs proposaient une certaine somme et les propriétaires une autre, la décision revenant à un comité d’arbitrage salarial de trancher entre les deux offres. La plupart du temps l’offre du joueur était préférée, une décision qui ne convenait plus aux propriétaires, ce qui offensa les joueurs.

Les propriétaires ont alors avancé l’argument du manque d’argent pour économiser, comme le rapporte l’ancien lanceur Jim Palmer.

« Ils ont dit qu’ils n’avaient tout simplement plus d’argent. Des joueurs comme Cal Ripken Jr ou encore Kirby Puckett gagnent six fois plus maintenant. Dix fois ce que j’ai gagné moi. Où pensez-vous qu’ils aient trouvé ces cinq millions supplémentaires ? Au loto ? »

Jim Palmer

Le lanceur ne souhaite toutefois par prendre part ni pour les joueurs ni les propriétaires.

« Les joueurs ont dit que c’était une question d’équité. En fin de compte c’était une question de rentabilité. »

Jim Palmer

Les joueurs vont donc mettre leurs menaces à exécution en sifflant le début de la grève le 10 juin, soit deux mois après le début de la saison. Il faudra attendre le 31 juillet, date à laquelle l’association des joueurs et les propriétaires vont trouver un terrain d’entente. A partir de ce moment, toutes les franchises qui perdront un joueur majeur devenu agent libre pourront recruter parmi un vivier de joueurs non protégés et ce dans n’importe quelle équipe, pas seulement celle qui accueillera le joueur agent libre. Cette petite victoire des propriétaires laissera un petit gout amer, Marvin Miller le représentant des joueurs Ray Grebey le négociateur des propriétaires refuseront de poser ensemble pour une photo officielle de « cérémonie de paix ».

Cette grève se terminera le 10 aout après que l’accord ait été signé. Les 713 matchs annulés auront considérablement faussé la saison.

1985 et 1990 : Les joueurs veulent leur part du gâteau

En 1985, les joueurs se sont aperçus de l’augmentation des revenus en droit Tv que percevaient les franchises. Voulant eux aussi leur part du gâteau, les joueurs vont entamer une grève de deux jours (6-7 août), empêchant ainsi la tenue de 23 matchs. Ces rencontres ont toutes fois pu être replacé en fin de saison.

Rebelotte, en 1990 la visibilité médiatique de la MLB est en pleine expansion et les revenues en droit TV ont augmenté de 102%. Les joueurs vont donc entamer une grève qui durera 32 jours, la deuxième plus longue à l’époque. L’ « Opening day » fût décalé d’une semaine et la saison se terminera plus tard que prévu afin de pouvoir faire jouer les 162 matchs à chaque équipe. Les joueurs vont alors obtenir une augmentation du minimum salarial de 68 000 à 100 000 dollars.

1994 : Un long combat pour l’équité

A l’aube de cette saison, la situation économique de la MLB connait un véritable trou d’air et les propriétaires vont donc proposer de mettre en place un plafond salarial aux joueurs et le partage des revenus des droits TV (pour établir une certaine équité.

Après s’être réuni, les propriétaires se sont mis d’accord sur un plafond salarial. Le 19 janvier 1994 demandèrent qu’une nouvelle convention collective soit négociée avec les joueurs.

Le 14 juin 1994, le représentant des propriétaires, Richard Ravitch, arriva avec la proposition patronale. Cette offre permettait de garantir un total d’un milliard de dollars en salaires et bénéfices divers. Toutefois, il aurait fallu abolir l’arbitrage salarial, la possibilité de devenir agent libre pour un joueur ayant évolué déjà quatre saisons en ligue majeure (contre six), et pour terminer les équipes auraient le droit de retenir un joueur en fin de contrat en s’alignant aux offres des autres équipes.

L’association répondra quatre jours plus tard en refusant d’accepter cette offre. Les joueurs ont estimé que l’instauration d’un plafond salarial n’arrangé que les propriétaires, n’y voyant aucuns bénéfices pour eux.

Les négociations n’aboutissent à rien et les joueurs vont déclarer le 26 juillet qu’en cas de nouvel échec, ils n’hésiteraient pas à entamer une grève à partir du 12 août. La menace fut mise exécution et la saison s’interrompit.

Le 31 août de nouvelles négociations eurent lieu, avec le même résultat : un échec. On entama alors la quatrième semaine de grève.

Bud Selig annonça la date du 9 septembre 1994 comme date butoir dans les négociations, auquel cas la saison ne pourrait être sauvée. Le 8 septembre l’association des joueurs déposa une contre-proposition qui prévoyait d’instaurer une taxe de 2% pour les seize équipes gros marché, une somme qui serait reversée aux équipes avec les masses salariales les moins importantes. Et les équipes des deux ligues se partageraient 25% des recettes aux guichets. Cette offre sera refusée par les propriétaires qui estimeront que ça serait insuffisant pour redresser la situation financière du baseball.

Coup de tonnerre ! Bud Selig prit la parole le 14 septembre pour annoncer que la saison serait officiellement annulée, les séries éliminatoires et mondiales aussi. La MLB n’avait pas besoin de ça, en effet cette annulation entrainera une perte 580 millions aux propriétaires et 230 millions pour les joueurs.

Le 14 décembre, un médiateur fédéral (Bill Usery) fut nommé après que Richard Ravovitch ait renoncé à son poste de négociateur quelques jours plus tôt.  Le 15 janvier les propriétaires votèrent l’instauration d’un plafond salarial qu’ils décidèrent d’appliquer unilatéralement. En réponse à ce tour de force, pas moins de 895 joueurs furent placé agent libre.

L’affaire ira encore plus loin, la MLB menaça de faire appel à un briseur de grève si aucun accord n’était trouvé avant la reprise du « Spring training ». Cette affaire pris encore plus d’ampleur avec l’intervention du président des États-Unis, Bill Clinton, qui demanda aux propriétaires et aux joueurs de retourner à la table des négociations et de rapidement trouver un terrain d’entente avant le 6 février. Le 1er février, les propriétaires sont revenus sur l’application unilatéralement du plafond salarial. Toutefois aucun accord ne fut trouvé.

L’association des joueurs accepta de revenir au jeu le 29 mars, seulement si un juge de la cour de district des États-Unis acceptait de recevoir leur plainte au sujet des actions des propriétaires qu’ils jugeaient inéquitables et injustes. Le 31 mars la juge fédérale Sonya Sotomayor autorisa la plainte. La grève prit fin le 2 avril 1995, lorsque la cour d’appel des États-Unis donna raison à la juge Sonya Sotomayor et rejeta l’appel des propriétaires.

Cette grève durera en tout 232 jours et laissera une trace dans l’histoire de la MLB avec cette saison 1994 annulée. C’était la première fois depuis 1904 qu’on ne joua pas les séries mondiales.

Toutes les crises ont connu un dénouement, prenant parfois plus de temps. Ce n’est pas la première fois que la ligue majeure de baseball connait une crise, il faut juste espérer ne pas vivre le cataclysme de 1994 et qu’un accord soit vite trouvé. Auquel cas l’image de la MLB en prendrait un sérieux coup. Les jours sont comptés avant la reprise de la saison et nous tout ce que l’on veut entendre c’est : « Playball ».

 

 

 

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