« L’avenir du football américain en France ? Je ne m’en fais pas… » Jefferson Alexandre s’est livré à The Free Agent.
À l’aube de la reprise du championnat Élite, le receveur des Blacks Panthers, et de l’équipe de France nous a gentiment accordé un entretien.
« J’aimerais que tu nous parles un peu de ton parcours dans le sport, depuis les premières fois jusqu’à aujourd’hui… »
« Je suis né à Paris, mais j’ai rapidement déménagé à Cergy dans le 95. C’est là que j’ai commencé à jouer au football comme on le connaît ici en Europe. Je voyais mon grand frère jouer à un très bon niveau et je prenais exemple sur lui, je voulais faire comme lui. J’ai continué le foot jusqu’à mon entrée au lycée, où j’ai commencé le basket… J’ai débuté vraiment par hasard, quand je suis allé rendre visite à ma famille aux États-Unis, on a joué tout l’été et à force d’être en contact avec ce sport, j’ai fini par tomber amoureux…
En rentrant, je savais que c’était cela que je voulais faire, j’ai donc lâché le foot pour le basket. J’ai joué 2-3 ans, j’ai fait quelques tests à gauche, à droite, mais rien n’a vraiment abouti. Je n’avais pas de main gauche, un shoot approximatif et un dribble moyen donc c’était compliqué. J’étais très athlétique, mais trop peu technique pour prétendre jouer à un haut niveau. Arrivé en 1ère, j’ai côtoyé un gars qui faisait du football américain, et qui est devenu un très bon ami à moi, César Hebel. Pendant un an il n’arrêtait pas de me dire de venir faire du football américain, mais moi, je ne voulais pas… Pour une raison un peu insolite… J’avais vu le film « L’enfer du dimanche » avec Al Pacino, et dans une scène un joueur perd son œil, cela m’avait un peu refroidi et ma mère ne voulait pas non plus que je commence ce sport à cause de sa dangerosité…
Finalement, on m’a dit que cela n’arrivait jamais donc je me suis lancé dans le football américain. Pour ma première année, on finit champions de France Junior avec les Cougars de Saint-Ouen l’Aumône. Suite à ma première année, je suis appelé en équipe de France Junior pour participer à la Coupe d’Europe à Séville. Après ça, je suis parti jouer au Canada, à Thetford pour trois saisons. J’ai d’ailleurs été rookie de l’année, meilleur joueur de l’année, joueur spécial team de l’année, c’étaient donc trois excellentes années, qui m’ont permis de rejoindre l’Université de Concordia. Je me suis engagé chez les Stingers, mais le campus ne me plaisait pas plus que cela et j’ai donc voulu changer d’équipe et aller à Sherbrooke pour un an.
Malheureusement, je n’ai pas pu faire de match avec l’équipe pour cause de soucis de papiers et d’éligibilité. J’ai été contraint de rentrer en France, par manque d’argent, il faut savoir que les sessions au Canada sont vraiment coûteuses et il est très compliqué de subvenir à l’ensemble de ces dépenses. Je suis donc retourné chez les Cougars, la première année nous faisons une saison moyenne, mais les deux saisons suivantes étaient parfaites. Nous réalisons un « back-to-back » en étant invaincus durant toute la saison, je connais donc mon troisième titre de champion de France. C’était vraiment une expérience incroyable.
Puis depuis quatre ans maintenant, je suis aux Blacks Panthers de Thonon-les-Bains. Avec eux, j’ai gagné une nouvelle fois le championnat de France ainsi que la Coupe d’Europe. »
« On voit que tu es dans ce sport depuis pas mal d’années désormais, qu’est ce qui a changé dans le football américain depuis que tu as commencé ? »
« Tout a évolué, cela n’a plus rien à voir avec le football de mes débuts. Les coaches et leurs façons de coacher ont changés, ils forment des athlètes pour qu’ils deviennent des joueurs de football américain, et cela fait forcément évoluer les choses. Les joueurs sont devenus meilleurs parce qu’ils s’entraînent davantage en dehors des sessions d’entraînements classiques. À mes débuts, on allait à la salle de sport, mais on faisait le strict minimum, quelques séries de développé-couché et de squats et on s’en contentait. Aujourd’hui, c’est bien différent, sur pleins de petits points « anodins » venus d’ailleurs qui ont rendu le foot meilleur en général.
Tout ça est devenu possible grâce aux Français qui sont partis vivre une expérience outre-Atlantique. Certains joueurs sont parti là-bas et sont devenus coaches, présidents ou joueurs ici. Et leur expérience une fois partagée ici fait changer les méthodes de travail, les mentalités, etc. C’est forcément bénéfique. On a beaucoup à apprendre des Nord-Américains, notamment sur la place du sport dans la société. Le sport est sur le même plan que l’école, il faut être autant investi dans les deux domaines. C’est une chance pour eux, car depuis le plus jeune âge, ils sont déjà professionnalisés. Le sport, c’est un mode de vie dans leur mentalité, c’est la principale cause de notre retard. Mais ce retard, on est en train de le combler doucement, ça va prendre du temps, et des efforts. »
« Quel est ton point de vue sur l’écart entre la GFL et le championnat Élite, et comment vois-tu cet écart évoluer dans le futur ? »
« L’écart entre la GFL et le championnat Élite est trop grand malheureusement. L’Allemagne a vite compris que le football pouvait être un business à part entière, dans lequel on peut gagner de l’argent. Ils ont beaucoup de sponsors, ils ont la diffusion des matchs à la télévision nationale, c’est vraiment encré dans la culture, bien plus qu’ici en France.
Ici, le sport tourne uniquement autour du soccer, du rugby, du basket ou du handball et encore… La France doit comprendre que le football est un vrai business. Il faut essayer de vendre le sport, en allant chercher des sponsors, en essayant de le démocratiser. Le football, c’est un très beau sport, il y a pas mal de monde qui s’y intéresse et cela mérite vraiment d’être connu.
Mais ce n’est pas un travail que les joueurs peuvent faire, c’est aux présidents et dirigeants des clubs d’aller démarcher pour trouver des sponsors, et faire connaître notre sport. Mais c’est compliqué dans un pays où ce sport n’est absolument pas présent dans notre culture. Ce travail est en train d’être fait petit à petit notamment à Thonon, le président fait un travail fantastique et on ne peut qu’encourager cela…
L’engouement autour de ce sport y est, on voit l’Équipe et Bein qui se partagent les droits TV, donc l’engouement y est, maintenant, il faut exploiter cela pour faire grandir le sport. L’avenir du football américain en France ? Je ne m’en fais pas… »
« Quelle est la plus grande expérience ou l’échec qui t’a le plus fait grandir et apprendre au cours de ta carrière ? »
« La plus grande expérience que j’ai eue, c’est sûrement ma période au Canada. Je suis parti, j’avais 18-19 ans, je pensais tout connaître de la vie, mais en fait pas du tout. J’étais encore un gamin dans ma tête. J’ai eu beaucoup de galères d’argent, pour manger et vire là-bas et c’était vraiment compliqué. Mais j’ai dû grandir, et grandir vite. Ce n’était pas une mauvaise expérience en soi car cela m’a permis d’apprendre beaucoup de choses sur la vie. J’ai dû me débrouiller seul, sur le tard, et j’ai sûrement fait des erreurs au cours de mon passage là-bas.
Ça m’a aussi changé en tant qu’homme, quand je suis arrivé sur place, j’étais quelqu’un de très nerveux et impulsif, mais j’ai appris que je n’étais pas en contrôle de tout et qu’il fallait que je relativise et que j’apprenne à prendre du recul. Ça a été long et difficile, mais j’en suis sorti grandi, de cette expérience. Ce n’est pas pour rien que l’on dit que le football, c’est l’école de la vie, car on en apprend tous les jours sur nous-même et sur le monde qui nous entoure. »
« Quel est ton premier souvenir de la NFL ? »
« Mon premier souvenir de la NFL, c’est le Super Bowl XL entre les Steelers et les Seahawks. J’ai encore en tête ce trick play que les Steelers font, où Randel El, le receveur, lance un touchdown pour Hines Ward. C’est une reverse-pass, donc Ben Roethlisberger fait la remise au running back, qui lui, la met à Randel El qui va lancer un touchdown pour Hines Ward. Quand j’ai vu cette action j’étais comme un dingue et je me suis dit que ce sport était vraiment trop bien ! »
« Et ton meilleur souvenir, si tu en as un en tête ? »
« Alors je te dirais la victoire des Ravens face aux 49ers lors du Super Bowl XLVII, le fameux « Black-out game ». C’est surtout parce que je suis un grand fan des Ravens et du safety Ed Reed. Mais il n’avait jamais gagné de Super Bowl, et je voulais absolument qu’il soit champion avant la fin de sa carrière, et donc quand il a gagné, j’étais comme un gamin, j’étais aux anges ! »
« Si demain, tu étais Free Agent sur le marché international, quelle serait ta signature de rêve ? »
« Hmm… C’est une bonne question. J’hésite entre trois équipes, et je dirais soit les Seahawks, soit à Green Bay ou soit à Kansas City. Simplement pour Russel Wilson, Aaron Rodgers et Patrick Mahomes. Quand je vois ces trois joueurs sur le terrain, ça a l’air trop facile… La manière dont ils distribuent le ballon, comment les balles arrivent sur les receveurs, c’est tellement parfait. En tant que receveur, jouer avec des joueurs comme cela, c’est comme jouer aux jeux vidéo, en fait ! Si tu es ouvert, tu auras le ballon, la balle arrivera dans tous les cas. En plus de cela elle arrivera parfaitement, tu n’as pas besoin de t’inquiéter. »
« Je vais te laisser passer un petit message, sur le sujet que tu veux, à toi de jouer ! »
« Tout d’abord, je voulais te remercier pour l’interview, c’est super gentil. Et puis de toutes façons, je n’ai pas grand chose à dire, donc je vais passer quelques petites dédicaces, à mes coéquipiers des Blacks Panthers, des Cougars, dédicace à ma copine et à tous les gens que je connais, voilà je n’ai pas d’inspiration, pas de message particulier. En tout cas, merci pour l’invitation ! ».
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