A l’occasion du décès de Kobe Bryant il y a tout juste deux ans, nous revenons sur une période souvent méconnue de sa carrière mais qui symbolise à elle seule l’état d’esprit et la force de caractère de ce joueur. Direction les Jeux Olympiques de Pékin de 2008 avec la Redeem Team emmenée par le Black Mamba
Redorer le blason des États Unis à l’échelle internationale
L’échec des JO 2004 d’Athènes
A première vue, c’est assez facile d’oublier qu’ au milieu des récentes dominations de l’équipe américaine de basketball dans les différentes compétitions internationales, cette même équipe a traversé une période terriblement difficile. Pour se remettre dans le contexte, au moment d’aborder ces Jeux Olympiques d’été 2008 à Pékin, la dernière campagne olympique 2004 à Athènes des USA s’est soldée par une énorme désillusion. En effet, grandement favoris, les Américains repartiront avec une décevante médaille de bronze, un comble quand on est prétendument la meilleure équipe du monde, et de loin. Comme un symbole de ce déclin, les Américains, alors entraînés par Larry Brown, s’inclinent lors du match d’ouverture 73 à 92 contre Porto Rico. Une humiliation puisqu’il s’agit à ce jour du plus lourd revers du l’histoire du pays en compétition. Revenu sur cet échec quelques années plus tard, LeBron James déclarera alors :
« Nous n’avions pas la discipline, nous n’avions pas la structure pour pouvoir jouer sur la scène mondiale. Nous avions d’excellents joueurs de basketball, mais nous n’avions pas la structure nécessaire, je pense que c’est en partie pour cela que nous avons terminé troisième »
Cette compétition a surtout révélé une baisse constante et presque inquiétante du niveau de l’équipe sur les 12 dernières années. Au point que plus personne ne peut l’ignorer, et encore moins les joueurs eux mêmes. Il est important de souligner également qu’à seulement quatre reprises dans l’histoire du basketball masculin olympique moderne, les États-Unis n’ont pas réussi à remporter l’or, et cette équipe a été la dernière à échouer à ce stade de la compétition. Un changement s’impose donc, et rapidement.
Le renouveau de 2008
Il est alors urgent pour les États Unis de se repositionner au somment du basket mondial. Là où la Dream Team originale de 1992 comportait des noms comme Magic Johnson, Michael Jordan, Karl Malone, Pat Ewing, Scottie Pippen, Charles Barkley, David Robinson et Larry Bird, celle de 2004 a donné des minutes importantes à Stephon Marbury, Shawn Marion et Lamar Odom. Dans une période qualifiée comme les « pires 38 jours de ma vie » par l’ancien meneur des New York Knicks Stephon Malbury, on comprend mieux maintenant pourquoi l’équipe choisie en 2008 pour représenter les USA aura sur ses épaules une pression énorme. Mais le message est bien reçu.
Plus qu’ une collection de noms, c’est une unité cohésive dont a besoin les USA. Après Athènes, l’ancien propriétaire des Phoenix Suns Jerry Colangelo est nommé directeur général de l’équipe masculine, et c’est le célèbre Mike Krzyzewski qui est recruté en tant qu’entraîneur-chef à plein temps. Les deux partent alors à la recherche de joueurs capables de s’engager dans un cycle complet Jeux Olympique / Coupe du monde.
Suite à une demande insistante de Jerry Colangelo, c’est tout d’abord Kobe Bryant qui change d’avis et se joint au projet. Lui, qui avait refusé la sélection dans le passé, est cette fois prêt à jouer, et pas seulement au moment des Jeux Olympiques. En effet, afin de montrer la voie et de créer un élan auprès des autres joueurs de la ligue, le Black Mamba se prépare dès 2007 en participant au championnat qualificatif FIBA des Amériques. A l’image de toute sa carrière, Kobe Bryant n’a jamais été du genre à laisser passer des chances de marquer histoire.
L’opportunité de rester dans les mémoires comme étant l’un des hommes chargés de repositionner l’équipe américaine sur le devant de la scène est trop importante pour être ignorée. « Quand on parle de basketball et de l’équipe américaine… c’est notre jeu et cela doit le rester » a tout simplement déclaré Kobe Bryant aux journalistes pour la première fois lors de la tournée pré-olympique de l’équipe.
On assiste alors à la naissance de la Redeem Team, qui sera, rétrospectivement, l’une des plus fortes sélections américaines présentées aux Jeux Olympiques. Interrogé sur l’origine du surnom de l’équipe Redeem Team omniprésent à l’époque, Jerry Colangelo déclarera au Wall Street Journal en 2008 « J’ai beaucoup utilisé le mot rédemption.Ce n’est qu’après la déception de la médaille de bronze de 2004 et de la campagne Redeem Team de 2008 que j’ai compris l’importance du basketball dans le monde. Gagner une médaille dans n’importe quelle épreuve olympique est un honneur » Car outre la médaille d’or, Kobe Bryant part désormais en mission et rêve d’une véritable reconquête pour les États-Unis.
Mais comment atteindre un tel niveau ? Pour commencer, autour de Kobe Bryant qui fêtera ses 30 ans durant la compétition, s’est formé un « noyau » de superstars qui a pleinement adhéré au projet, à l’idée même de se confronter à la concurrence internationale. Les stars de la NBA qui avaient manqué à plusieurs reprises l’occasion d’enfiler le maillot bleu et rouge des États Unis ont cette fois répondu présent. LeBron James, Carmelo Anthony et Dwyane Wade, qui avaient ont tous vécu une expérience difficile à Athènes en 2004, ont tout de même décidé de faire de cette nouvelle équipe américaine une priorité. Même Jason Kidd, qui avait joué pour l’équipe américaine en 2000 mais pas en 2004, revient. Carmelo Anthony, Chris Paul, Dwight Howard et Chris Bosh se joignent également à l’équipe.
Afin d’ effacer les précédents échecs et guidés par le Black Mamba, les joueurs prennent pleinement conscience de l’importance de la situation. Un groupe est né, investis d’un vrai sens du devoir. Et comme le déclarera Jim Boeheim, l’assistant du coach Mike Krzyzewski à l’époque, Kobe Bryant n’entend pas prendre les choses à la légère et montre clairement la voie :
« Kobe n’était pas venu là pour faire n’importe quoi ou faire les choses qu’à moitié. Il s’en fout que ce soit l’été, l’hiver, le printemps ou l’automne. Il est sans pitié, et c’est ce qu’on apprécie quand on est coach. C’est un vrai tueur, et il vient pour tuer des gens et les équipes présentes. Je mes souviens d’un match où on était à +40, et il continuait de mettre la pression à un pauvre gamin du Venezuela. Je lui ai demandé ce qu’il faisait… et il m’a répondu : « Je m’en fous. Si un gars est sur le terrain, je m’occupe de lui. » Kobe est comme ça… C’est le compétiteur ultime. Lui et Michael Jordan sont les deux seuls que j’ai vu entrer sur un terrain pour tuer. Ils n’entrent pas sur un terrain pour jouer »
Une compétition abordée avec le bon état d’esprit
« Nous attendons avec impatience l’opportunité de raviver cette flamme et de revenir à ce que représente l’équipe américaine, et c’est de remporter la médaille d’or » Le message de LeBron James à le mérite d’être clair. Ce sens des responsabilités se ressent rapidement sur les parquets, où les États-Unis n’ont cette fois pas pris leurs adversaires à la légère. La Redeem Team maîtrise entièrement ses oppositions, elle sait garder le pied sur l’accélérateur dans les moments clés tout en maintenant une forte intensité tout au long des matchs. Il faut dire que l’équipe possède un nombre incroyable de All-Star à chaque poste. Kobe Bryant, Lebron James, Dwyane Wade, Chris Paul et tous les autres sont alors au sommet de leur art et chaque joueur remplit son rôle à merveille au sein de l’équipe.
Là où l’équipe de 2004 n’a pas réussi à définir une vraie identité, la Redeem Team est bien plus équilibrée et offre un véritable style de jeu reconnaissable. L’entraîneur Mike Krzyzewski s’ appuie notamment sur son expérience internationale et un QI basket très élevé pour rendre tout cela possible. Car malgré les changements dans le cinq, le niveau de la sélection américaine n’a jamais réellement baissé. L’équipe des États-Unis est restée constante et forte tout au long de la compétition. Que ce soit en poule ou durant les matchs à élimination directe, les USA s’imposent assez facilement.
Mais même si le temps des lacunes de cette équipe semble loin, attention à ne pas retomber dans ses travers. Les choses ne sont pas non plus du « gâteau » comme aime le souligner Kobe Bryant. Ce dernier rappelle volontiers à ses coéquipiers que la compétition est compliquée et que l’équipe américaine doit « respecter tout le monde » si elle veut décrocher la médaille d’or. Assumant ainsi pleinement son statut de leader :
« C’est une sacrée équipe que nous avons c’est vrai, mais nous avons encore besoin de rester concentrés et disciplinés pour battre l’Espagne dans un match avec pour objectif pour la médaille d’or. Il n’est pas question que le reste du monde rattrape les États-Unis, car les autres équipes se rapprochent depuis un certain temps. Et aujourd’hui on est dans une situation où nous, aux États-Unis, allons gagner des matchs mais nous allons aussi en perdre. Et c’est ainsi que ça se passe »
La finale d’anthologie contre l’Espagne
Le Black Mamba est fantastique tout au long des Jeux olympiques, mais c’est principalement lors de la finale contre l’Espagne gagnée 118 à 107 que son impact sera déterminant. Jamais réellement mis en danger durant la compétition, les USA doivent, lors de ce match du 24 aout 2008, faire face à des Espagnols talentueux et revanchards suite à l’humiliation subie en poule (119 -82). « Pour notre équipe à cette époque, ce n’était pas vraiment une question de confiance » déclarera Kobe Bryant plus tard à NBC Sports.« C’était une question d’exécution.Pouvons-nous enlever les atouts de l’Espagne? »
À huit minutes de la fin, l’équipe américaine s’accroche désespérément à une avance de deux points et a dorénavant besoin de leadership sur le terrain pour terminer le travail. L’Espagne, de son côté, compte un certain nombre d’anciens, actuels et futurs joueurs de la NBA sur sa liste, et notamment Pau et Marc Gasol, Rudy Fernandez, Juan Carlos Navarro et Ricky Rubio.
Jusqu’ici très performante grâce à un jeu rapide et créatif, l’attaque des Américains manque à cet instant cruellement d’inspiration. C’est le moment choisi par Kobe Bryant qui décide alors de prendre les reines de son équipe et de porter littéralement la sélection sur son dos. L’arrière inscrit alors 10 points consécutifs pour repousser l’Espagne. C’est à cet instant qu’intervient l’action du match et du tournoi même. Menant de cinq points et avec encore 3 minutes et 13 secondes à jouer au chronomètre, Kobe Bryant reçoit un ballon de Dwayne Wade sur l’aile gauche, feinte et se lève à 3 points pour inscrire le panier et obtenir la cinquième faute de Rudy Fernandez. Le tournant du match.
Kobe Bryant pose alors son index gauche vers sa bouche. Un instant magique, éternel, à jamais gravé dans les livres d’histoire. Alors même que c’est Dwayne Wade qui a mené l’équipe au score ce soir-là, ce sera finalement KobeBryant qui mènera l’équipe au sacre ce soir là avec notamment 13 points lors du quatrième quart-temps.La rédemption est complète.Cela faisait des années que les stars des parquets NBA n’avaient pas déployé autant d’efforts pour remporter la médaille d’or olympique et la consécration est totale. Dans cette Redeem Team on dénombre pas moins de six joueurs actuellement inscrits au Hall of Fame : Kobe Bryant, LeBron James, Dwayne Wade, Jason Kidd, Carmelo Anthony et Chris Paul.
Un parcours sans faute et un marqueur générationnel
Alors même que les jeunes stars talentueuses de la NBA ont prospéré durant les moments importants, voire cruciaux de ces Jeux Olympiques 2008 de Pékin, c’est bien Kobe Bryant qui a été le plus précieux dans les situations de grind-it-out. Sans manquer de respect à LeBron James, qui est finalement devenu lui aussi l’un des plus grands champion de la NBA à part entière, c’est bel et bien le Black Mamba qui était le joueur le plus emblématique de cette équipe. Son travail permanent aux entraînements et durant les matchs font de Kobe Bryant le leader de cette équipe américaine de 2008. Pour Jim Boeheim en tout cas, cela ne fait aucun doute :
« Je ne sais pas si LeBron James dirait la même chose, mais j’avais l’impression que Kobe élevait le niveau de tout le monde, surtout en défense. Si on avait bien une faiblesse en 2006, c’était en défense. On n’était pas suffisamment impliqués. En 2007 et 2008, on était bien meilleurs, et je pense sincèrement que la mentalité et l’état d’esprit de Kobe y étaient responsables pour beaucoup »
Cette victoire 118-107 en finale de l’équipe américaine contre l’Espagne a achevé la quête de rédemption du Black Mamba. Un aboutissement. L’équipe du coach Mike Krzyzewski terminera le match avec des statistiques vertigineuses. Et surtout un 26 sur 37 (70,3%) aux tirs à deux points et un excellent 13 sur 28 (46,4%) derrière l’arc. La Redeem Team a marqué ce jour là 118 points dans un match contre la deuxième meilleure équipe du monde. Une véritable puissance de feu.
Les États-Unis par le biais de cette équipe ont instantanément gagné des éloges du monde du basketball pour avoir remporté la médaille l’or de manière aussi séduisante. Sous l’impulsion de Kobe Bryant, cette sélection américaine marquera à jamais, comme a pu le faire la Dream Team en 1992, l’histoire de ce sport. On se souviendra éternellement de cette sélection américaine comme celle qui a remis les États-Unis au sommet du basket international, et de Kobe Bryant comme celui qui en fût le leader incontesté.
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