Election Américaine : Richard Nixon, le football comme un atout politique

par 10 minutes de lecture
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Nous continuons notre série spéciale autour de l’élection présidentielle américaine avec cette fois-ci un gros plan sur Richard Nixon le 37ème Président de l’histoire des Etats-Unis. Nous allons mettre la lumière sur sa façon d’utiliser le football comme un atout en politique. Car même si on peut être tenté de parler d’arme politique, il est plus juste de l’envisager comme un outil, car Nixon aimait véritablement le football. Il a cependant bien compris son intérêt stratégique.

Un contexte social brûlant

Revenons en 1969. L’Amérique est en proie à des protestations sociales d’une ampleur énorme. La société est en ébullition, le révérend Martin Luther King s’est éteint depuis un an seulement mais le combat n’est pas terminé. A cela on peut ajouter le mouvement féministe, mais aussi le mouvement homosexuel puisque c’est l’année des émeutes de Stonewall à New-York. En plus des luttes des minorités c’est surtout l’année qui représente le plus l’opposition virulente contre la guerre du Vietnam.

Le pays se déchire entre les Hawks (faucons) ceux qui sont en faveur de l’intervention au Vietnam et les Doves (Colombe) ceux qui y sont opposés. Rien ne peut les réconcilier. Bien évidemment le mouvement Hippie démarré à San Francisco vient s’immiscer dans cette lutte. Ces derniers ne veulent pas aller se battre de l’autre côté du monde, dans un enfer.

On voit notamment des arguments mis en avant pour ceux qui sont opposés à la guerre du Vietnam, qu’ils ne voient pas l’intérêt d’aller tuer des Vietnamiens, contre lesquels ils n’ont aucun problème. Nous sommes également dans un contexte de Guerre Froide, il faut aller endiguer le Communisme, il est clair que ceux qui sont opposés à la Guerre du Vietnam n’entrent pas dans ce combat idéologique.

Le football plus intéressant que les protestations sociales

C’est donc en 1969, dans ce contexte brûlant deux millions de manifestants se réunissent dans plusieurs villes des Etats-Unis. C’est un chiffre qui pour l’époque était tout simplement énorme. Il y a notamment eu un nombre très important de manifestants à Washington D.C là où se trouve le président. Très exactement 250 000 personnes.

Comme on peut le voir sur cette image la foule était impressionnante. Face à une telle protestation sociale on aurait pu penser que le président des Etats-Unis allait répondre.

En effet il a répondu, mais pas vraiment ce à quoi on aurait pu penser. Plutôt que critiquer les manifestants directement ou les écouter, il a tout simplement répondu que pendant que le cortège défilait à D.C, il regardait le football.

Il a été donc plus intéressé par regarder le football que de suivre la manifestation, cela peut se comprendre car ce n’était pas vraiment le camp qu’il défendait. Cette réponse est entrée dans l’histoire. Car il n’avait cessé de répéter qu’il ne serait pas affecté par les manifestations et par celle là en particulier. En mettant en avant le fait qu’il regardait le football, Nixon a bien montré tout son dédain face aux manifestants et bien plus encore.

Donald Trump-Richard Nixon même combat ?

Le site américain spécialisé en politique Politico a fait le parallèle récemment entre cette réponse de Nixon et Donald Trump qui avait fait savoir qu’il ne regarderait pas un sport qui porte atteinte au drapeau et à l’hymne. Ce parallèle est particulièrement intéressant car en réalité il est complètement inversé.

Les protestations sociales ont pris de plus en plus de place sur les terrains, cela a commencé avec Kaepernick en 2016, sous un torrent d’attaques, de critiques et de remises en cause de son amour pour son pays. Cette saison pour le match d’ouverture Kansas City et les Texans s’étaient montrés tous bras serrés, en signe d’unité.

Mais certains fans présents à l’Arrowhead Stadium de Kansas City ont sifflé cette initiative. De la même manière le président des Etats-Unis Donald Trump n’a cessé de critiquer ceux qui amenaient ces protestations sociales dans le sport. Avec en première ligne la NBA.

Là où le football était un havre de conservatisme et donc qui a permis à Richard Nixon de se protéger contre la vague progressiste qui a secoué le pays avec les manifestations des années 60, il l’est beaucoup moins aujourd’hui. Même si la NFL reste encore une ligue plus conservatrice que sa grande soeur la NBA, il y a eu une évolution notable.

On peut penser au changement de l’équipe de football de Washington qui laisse derrière elle des années de revendications à propos de l’appropriation culturelle des américains natifs et son caractère insultant, surtout en ce qui concerne son nom et son logo. On a également pu voir des femmes sur le bord du terrain dans les équipes de coaching. Et même comme arbitre. On peut également apercevoir sur les casques des joueurs des messages comme « Black Lives Matter »

Tout ceci nous permet de penser qu’il serait plus difficile voire même impossible de voir Donald Trump répondre à une interview sur des manifestations en disant qu’il a préféré regarder le football. Ce qui montre avant tout combien la société américaine a évolué.

On peut sans aucun doute dresser des parallèles entre les années 60 et la vague de protestations sociales que l’on a connu cet été après la mort de George Floyd, décédé des suites de son arrestations à Minneapolis. Les protestations sociales ont pris une ampleur similaire à celle durant les années 60. Avec de plus, une société américaine complètement divisée. Le retour du sport a fait du bien à de nombreux égards, il a aussi permis de continuer le combat sur le terrain.

Un intérêt tout particulier pour le football

Comme l’explique l’écrivain Jim Murray l’amour pour le football de Richard Nixon était bel et bien réel. Il a tout simplement compris qu’il pourrait utiliser sa passion pour le football à des fins politiques.

Nixon a joué au football au Whittier College. Ses performances ne l’ont pas fait entrer dans le panthéon du College Football. Mais il a gardé de très bonnes relations notamment avec son coach. Ce dernier a vraiment marqué Nixon, il y a fait référence dans la suite de sa vie à de nombreuses reprises.

En particulier il lui a appris à ne jamais abandonner lorsqu’il est dans une étape de sa vie de formation. Un grand conseil, très utile qui permet de traverser les moments d’incertitudes qui peuvent représenter ces étapes où l’on est pas encore au bout de notre objectif mais en chemin vers ce dernier. Une étape où il est facile d’abandonner.

Dans son mémoire Arena il a parlé de ce coach « Chief » Newman :

« J’ai plus appris sur la vie en étant sur le banc avec Chief Newman qu’en ayant des A dans mes cours de philosophie »

On voit donc bien là à quel point le football a été important pour Nixon et en particulier sa relation avec son entraîneur.

Nixon parle à la majorité silencieuse grâce au football

Quand on pense à Richard Nixon on y associe pour son slogan de campagne sa « Southern Strategy » sa stratégie qui visait à parler à l’électorat du Sud des Etats-Unis, traditionnellement plus conservateur. C’est dans le cadre cette « Southern Strategy » qu’il a notamment invité à la Maison-Blanche, le très célèbre chanteur de Country Johnny Cash.

Dans le même registre Nixon faisait souvent référence à la « Silent Majority » la majorité silencieuse. Celle qui ne protestait pas, souvent celle qui était en faveur de la guerre du Vietnam, souvent des électeurs du Parti Républicain.

Le football avait une place toute particulière dans cette stratégie de communication, car il permet de parler à l’Amérique au sens large, pas aux élites intellectuelles, ou à ceux qui veulent renverser le système. Mais ceux qui mènent leur vie dans le cadre de valeurs plutôt traditionnelles, qui font partie de la classe moyenne. Celle que l’on appelle « Middle America »

Le très célèbre Time Magazine a expliqué que son utilisation du football à des fins politiques était la plus « Bruyante forme d’expression de la majorité silencieuse. »

Ainsi on a pu voir Nixon présent au match entre les Dolphins et les Raiders en 1969 avec une énorme couverture médiatique.

On peut également le voir sur cette vidéo rendre visite à l’équipe de football de Washington.

En plus de parler à une Amérique conservatrice, très attachée au football, Nixon en s’y intéressant de manière publique pour sa campagne, insiste aussi sur le fait qu’il est comme tout le monde.

Comme tous les américains, il aime le football, il aime le regarder, il aime s’asseoir dans un stade et vivre sa passion avec les autres. C’est un argument très important dans une campagne où l’on a tendance à voir les hommes politiques comme des personnes qui sortent du cadre normal de l’existence, ce qu’ils font évidemment car ce sont des figures médiatiques très importantes.

Nixon présent pour le « Match du siècle » entre Texas et Arkansas

Crédits : U.S. Navy Photographic Center/ Richard Nixon Library / U.S. Navy Photographic Center / 1211-016-70

Evidemment impossible de ne pas mentionner la venue de Richard Nixon pour ce match épique qui est entré dans la légende du football universitaire. On n’a même pas besoin de vous le rappeler, vous aurez sûrement fait le rapprochement, mais il opposait deux équipes du Sud des Etats-Unis. C’est donc quelque chose que l’on peut ajouter à la Southern Strategy du Président.

Nixon a pris Air Force One et Marine One deux des moyens de locomotions officiels des pensionnaires de la Maison-Blanche pour se rendre au match. C’est dire à quel point c’était important pour lui.

C’est lui d’ailleurs qui a remis la plaque au vainqueur les Longhorns du Texas. Ces derniers étaient revenus dans le dernier quart-temps après avoir été menés 14 à rien tout le match pour l’emporter 15-14.

Pour conclure, la relation avec le football de Richard Nixon était sincère il ne fait aucun doute qu’il aimait ce sport et qu’il l’avait marqué. Notamment à l’université. Mais très tôt il a compris son pouvoir en politique et l’a utilisé pour faire passer son message et parler à la Majorité Silencieuse dans le cadre de la Southern Strategy.

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